Carnet de thèse

Nommer les fichiers

· Alexandre

On pourrait m’accuser de chercher la petite bête dans le détail, et on aurait sûrement raison. Sans doute la question du nom de nos fichiers informatiques n’a pas une si grande importance que ça… Pourtant, il me semble que proposer des pistes pour une meilleure gestion des noms pourrait permettre de limiter certains problèmes que l’on peut rencontrer sur le long terme.

Il y a quelque temps, un mème tournait sur les groupes de graphic design, mais qui pourrait tout aussi s’appliquer à toute activité dont le produit est un document informatique :

image|350

Pour une grande partie de mes travaux écrits, et notamment pour les mémoires, je m’étais retrouvé avec plusieurs fichiers nommés :

  • mémoire.docx ;
  • memoire_final.docx ;
  • mémoire_final2.docx ;
  • etc.

Au-delà de la grande confusion et du faible contrôle que cette approche (intuitive) a sur les versions d’un même document, ce phénomène interroge plus largement sur la question du nom des fichiers.

Si, en suivant les quelques éléments que j’ai développés ici, on fait aussi le choix d’une organisation atomique des notes (à savoir, une note par idée ou par objet), alors vient rapidement la question de savoir comment s’y retrouver avec le développement d’un amas de notes grossissant. Faut-il laisser le destin décider pour nous ou peut-on adopter des stratégies qui nous permettent de mieux gérer ?

Je ferai, dans un premier temps, une petite typologie des fichiers, selon leur fonction (1), puis je présenterai quelques stratégies pouvant être adoptées pour s’organiser au mieux (2).

1. Les fichiers, leurs fonctions

Il y a quelques choses d’assez intrigant avec le nom des fichiers informatiques : on ne peut pas les nommer sans savoir de quoi il s’agit.

La typologie qui suit s’appuie sur mon expérience et pourrait ne pas comprendre tous les types de fichiers que vous pourriez avoir à créer. Prenez-la donc simplement comme illustration de mon processus de réflexion.

  • Les fiches de lecture : une grande partie de mon worflow s’appuie sur des fiches de lecture. Elles contiennent les citations, arguments et références bibliographiques de mes sources ;
  • Les fiches atomiques : ces fiches constituent le cœur de mon travail de réflexion. Je m’appuie globalement sur les idées d’organisation systémique de Luhmann (le fameux Zettelkasten) dont j’ai déjà parlé ;
  • Les notes de conférence et de cours : elles s’inscrivent dans un temps précis et unique ;
  • Les fiches thématiques : pour synthétiser les idées des auteurs que j’étudie, les décisions de justice, ou tout autre élément qui ne peut être intégrés immédiatement dans une note atomique ;
  • Les fiches récapitulatives et index : le support hypertexte d’Obsidian permet de créer des fiches qui constituent des sortes de portail vers d’autres notes. Pour mon travail de thèse, par exemple, j’ai des index me permettant de voir immédiatement tous les documents de travail (ébauches, plans partiels, idées diverses, etc.), des notes contenant des tableaux récapitulatifs des décisions de justice, auteurs ou fiches de lecture que j’ai constitués, etc. ;
  • Les ébauches de plan, brouillons, etc. ;
  • Les notes de journal de bord : j’ai tenu et tiens un journal de bord – pas toujours de manière très assidue –, d’abord quotidien puis hebdomadaire.

Voilà pour une typologie relativement générale des différents types de fichiers que je produis au quotidien et dont il me fallait trouver une bonne manière de nommer.

2. Stratégies et bonnes pratiques

Il n’existe évidemment pas une bonne et unique manière de résoudre le problème. Voilà une approche personnelle.

Les fiches de lecture

Le nom des fiches de lecture suit une convention très simple : le nom de l’auteur en minuscule (s’il y en a plusieurs, le premier dans l’ordre alphabétique) suivi de l’année de publication. Par exemple, la fiche de lecture relative à l’ouvrage suivant (excellente monographie sur l’idée d’État en Angleterre) …

McLean Janet, Searching for the state in British legal thought: competing conceptions of the public sphere, Cambridge New York, Cambridge University Press, « Cambridge studies in constitutional law », 2012, 334 p.

… est nommée : mclean2012. Facile.

Cette convention me permet de ne pas me perdre entre Zotero, Obsidian et LaTeX. Zotero formate automatiquement le nom des fiches, grâce au module Zotero integration. Ce nom est lié aussi au fichier .bib pour LaTeX. Lorsque j’écris des documents, je peux ainsi consulter la fiche de lecture en question et utiliser la balise \cite{clefDeLecture} au cours de la rédaction.

Les fiches atomiques

Ce que j’appelle fiche atomique est simplement une fiche qui traite d’une idée ou d’un concept en particulier. Dire cela, c’est ne rien dire parce que définir ce qu’est une idée me paraît un peu illusoire – sans doute cela fera-t-il l’objet d’une réflexion future.

Ces notes intègrent un espace conceptuellement à part du reste des notes, bien qu’y étant liées. Pour la convention un peu particulière que leur nom suivent, je me suis grossièrement inspiré du système de Zettelkasten. Les premières fiches atomiques conçues commencent par des chiffres :

  • 1 Fonctionnalisme
  • 2 Paradigmes
  • 3 Sociologie
  • 4 Cultures juridiques
  • 5 Juge
  • 6 Constitution
  • 7 L’Exécutif
  • etc.

Dans le processus de réflexion, lorsque je suis amené à réfléchir à un sujet connexe ou conceptuellement lié à une fiche déjà rédigée, je continue une lignée. Par ex., la note atomique relative à l’idée d’État est 7d État. Le lien opéré entre la fiche “mère” (Exécutif) et la fiche “fille” (État) n’a pas besoin d’être celui d’un rapport conceptuel particulièrement strict. Le lien peut être intuitif, analytique, contradictoire, etc. L’objectif étant simplement de créer une structure en réseau, par le biais des liens bidirectionnels naturels.

J’alterne entre lettres et chiffres pour constituer le nom des notes.

Voilà à quoi ressemble une section de mon dossier regroupant les notes atomiques : image|350

Les notes de conférences et de cours

Dans la mesure où ces notes sont prises durant une période donnée (qu’il s’agisse d’une année universitaire, d’un mois, d’une semaine ou d’une journée), je commence toujours le nom de ces notes par un indicateur temporel. Par exemple, un séminaire sur le droit constitutionnel allemand suivi le 4 juin 2021 sera nommé : 2023-06-04 - Séminaire droit constit allemand. Si l’intervenant·e est une personne déterminée, je l’indique dans le nom.

Note sur les dates : la convention AAAA-MM-JJ permet un affichage chronologique dans les dossiers. Si je commence par le jour et non l’année, tous les fichiers créés le 1er de n’importe quel mois ou année seraient regroupés. Je vous laisse faire des essais pour vous rendre compte qu’il s’agit là de quelque chose de parfaitement ennuyant.

Les fiches thématiques

En fonction des sujets que ces fiches visent, la convention change.

  • Pour des fiches relatives à des auteur·ices : très simplement Nom, Prénom ;
  • Pour des fiches relatives à des décisions de justice – les informations concernant la juridiction sont contenues dans la fiche elle-même :
    • Si la décision comporte un nom : comme les fiches de lecture – nomAnnée ;
    • Si la décision est anonymisée : numéroAnnée.

Les fiches récapitulatives et index

Très simplement, ici encore :

  • Les index sont appelés Index sujet (ex. Index fiches de lecture thèse) ;
  • Les fiches récapitulatives sont appelées MOC sujet. “MOC” pour Map of Content : il s’agit de fiches permettant d’éclaircir les idées et réflexions relatives à un sujet et de constituer un portail.
    • Par ex., le portail pour ma thèse (MOC Thèse) contient plusieurs sections regroupant des tableaux de données des dernières fiches de lecture et décisions consultées ; une section regroupant les listes de tâches et objectifs ; une section contenant les liens vers les documents de travail, etc.

Les ébauches de plan, brouillons

J’ai tendance à nommer ces documents par chronologie. Ce n’est sans doute pas le plus efficace, mais cela me permet d’y voir un peu plus clair. Le nom du document contient le minimum d’informations me permettant d’identifier le sujet.

Les notes de journal de bord

Lorsque je tenais ce journal quotidiennement, le nom de notes suivait la convention de date présentée plus tôt (AAAA-MM-JJ). Aujourd’hui, les notes étant hebdomadaires, elles comportent deux éléments : l’année et le numéro de la semaine. Par exemple, la semaine où j’écris ce billet est la semaine 19 (19e semaine de l’année) ; par conséquent, ma fiche se nomme 2023-W19.

Conclusion

Sans une bonne organisation initiale, il peut être parfois difficile de s’y retrouver. Sur le court terme, l’avantage de ces réflexions ne paraît peut-être pas immédiat, mais à moyen et long terme ce ne peut être que bénéfique. La recherche dans les notes devient beaucoup plus aisée, et il est possible d’automatiser beaucoup de tâches de cette manière.

Les solutions proposées ici ne conviendront évidemment pas à tout le monde, mais j’espère que cela vous permettra d’ouvrir quelques portes utiles.